Les prévisions de croissance et de chômage, présentées aujourd’hui par Michel Sapin, tranchent singulièrement avec les clignotants tous au vert du ministre chargé des relations avec le Parlement avant les élections départementales. Manifestement, le frémissement est à très petit feu. D’ailleurs, les annonces du Président vendredi et du gouvernement hier pour soutenir l’investissement montrent bien que rien n’est acquis et que la politique suivi est loin d’assurer une relance réelle et durable de la croissance ou un recul du chômage.
Sans doute les chiffres lancés par Michel Sapin se situent dans la fourchette basse des prévisions, permettant en fin d’année de montrer que les résultats sont meilleurs, donc encourageants, et qu’il faut persévérer dans la même voie, être patients et que les fruits de cette politique ne vont pas tarder à être recueillis.
Mais, enfin, ça va faire trois ans que ce scénario se répète et, à mesure que le temps passe, la confiance des Français s’érode, le sort des salariés modestes et moyens se détériore sans compter le nombre croissant de pauvres.
Faut-il attendre ou changer ? Faut-il agir à la marge ou engager des inflexions significatives, ouvrant un nouveau cap ? Une chose est certaine il y a urgence à prendre une initiative majeure pour relancer l’activité, pour soutenir la croissance au service de l’emploi, de la justice sociale et de la mutation écologique. C’est la seule voie qui assurera le redressement du pays et redonnera confiance à nos concitoyens.
Et ne nous y trompons pas, des mesures à la marge, pour bienvenues qu’elles puissent être ne suffiront pas. Elles nous laisserons dans cette atonie qui ne permet pas à notre économie de reprendre souffle, en se projetant sur l’avenir et dans un niveau de chômage, socialement, humainement terrible.
Pourtant, il y a un autre chemin, réaliste, sérieux, permettant d’agir immédiatement. Il sort d’un présupposé qui nous mine depuis le début du quinquennat. La croissance serait une donnée qui vient d’ailleurs et nous ne pourrions rien y faire. Il nous faut attendre l’embellie mondiale, en tentant d’en tirer profit…
Nous proposons cet autre chemin et indiquons comment concrètement, rapidement, nous pourrions gagner par nos choix économiques et sociaux, un point de croissance supplémentaire et donc à la clef plus de 150 000 emplois. Cette relance doit être assise tant sur les investissements publics ou privés que sur la consommation et le pouvoir d’achat notamment celui des salariés, des retraités les plus modestes. Cette relance suppose d’injecter immédiatement dans notre économie 20 Milliards d’Euros. Ce peut être des dépenses budgétaires nouvelles mais aussi l’utilisation des sommes stérilisées, mal utilisées, sans efficacité économique et sociale comme une part du CICE, ou du pacte de responsabilité.
Hier, le gouvernement a annoncé des mesures favorables à l’investissement que d’aucuns chiffrent à 2,5 Milliards et les plus optimistes à 5 Milliards. Le tout étalé sur plusieurs années. Il y a des mesures favorables, et qui auraient dû être prises avant, mais le dispositif est quantitativement et qualitativement insuffisant.
On met 5 Milliards étalés dans le temps, là ou faudrait 20 Milliards immédiatement.
On mise sur l’investissement alors qu’il faudrait y adjoindre un volet pouvoir d’achat, consommation et des décisions qui ont un impact réel sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
En indiquant cela, nous ne jouons pas les Cassandre et ne voulons pas être des oiseaux de mauvaise augure. Voilà deux ans que nous expliquons que, sans relance équilibrée entre investissement et pouvoir d’achat, sans équilibre offre/demande, les résultats ne seront pas au rendez-vous.
Sans demande intérieure, non seulement une très large partie de l’économie nationale est affaiblie, et singulièrement bon nombre de PME, d’artisans et de commerçants. Ce qui manque le plus aujourd’hui aux entreprises françaises est d’avoir des carnets de commande bien remplis. Et là, la réduction des investissements publics, des collectivités locales, mais aussi la consommation intérieure les pénalisent. Du côté des entreprises industrielles ou exportatrices, nous avions redouté que l’absence de ciblage du CICE, du pacte de responsabilité, amène non seulement à beaucoup de gaspillage de fonds publics, mais aussi rate son objectif à savoir induire des investissements modernisateur dans l’industrie, le redressement productif et les secteurs exportateurs. Hélas, c’est ce qui se confirme aux vues des premières analyses sur l’usage du CICE par les entreprises.
Il faut donc rectifier le tir.
Une partie des mesures annoncées hier essaient de répondre à ce sous-investissement et reprend en partie des propositions que j’avais déposées, avec le soutien de mes collègues socialistes. Le gouvernement s’y était opposé vantant le CICE et le pacte de responsabilité. Il a changé d’avis.
Mieux vaut tard que jamais… Mais, au maximum, c’est un milliard d’Euros. Cela ne suffira pas à une relance.
Nous proposons donc un plan immédiat de mobilisation de 20 Milliards d’Euros,comment l’utiliser et surtout comment le financer ?
On pourrait imaginer que ces 20 Milliards soient utilisées par exemple avec :
- 5 Mds € de CICE au profit des salariés et amélioration du chômage partiel ;
- 3,6 Mds € en hausse du point de la fonction publique (hausse de 2% du point de la fonction publique étant entendu que depuis 1995, la valeur du point n’a crû que de 14% contre 33% pour l’indice des prix) ;
- 3 Mds € liés à la réforme de la CSG ;
- 3 Mds € pour les plus modestes ( petites retraites, indemnisation du chômage, allocation étudiant, pauvres) ;
- 5,4 Mds € d’investissement public (infrastructures, transition énergétique, hôpitaux).
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Comment financer ?
1- réorienter, conditionner une partie du CICE et abandonner l’allègement de la C3S
Le Coût du CICE atteint en théorie en 2017, 20,6 Mds € de créances fiscales . Il faut y ajouter 10 Mds d’allègements de cotisations sociales et 11 Mds € de baisses d’impôts sur les entreprises (dont 6 Mds de C3S).
Selon France Stratégie, le secteur du commerce s’en appropriera 18% des gains, la construction 9%, l’hôtellerie-restauration 5%, par exemple, et l’industrie manufacturière seulement 18%. Les professions réglementées en toucheraient, elles, près de 9%.
Dans notre plan de 2013, nous proposions de conditionner le CICE, au reversement de la moitié de ce gain sous forme de hausses de salaires pour les salariés, dans le cas d’un certain nombre de secteurs abrités, devant s’accaparer 10 Mds €. On peut donc récupère en conditionnant le CICE a la signature d’un accord tripartite, partenaires sociaux 5 Milliards d’Euros. La suppression de la C3S rapporterait 6 Milliards.
2- emprunter à taux bas pour des investissements
Soit un total de 11 milliards. On peut tenir compte du fait que vu les taux quasi nuls ou la France emprunte aujourd’hui on peut considérer que les investissement qui in fine rapportent en particulier en économie d’énergie ou en recette s’agissant des infrastructure. Les 5,4 Milliards d’investissements peuvent être ainsi financés. Il reste donc en inscription budgétaire de 3,6 milliards.
3- l’effet recette d’un point supplémentaire de PIB
Mais il faut prendre en compte ce que le FMI appelle le coefficient multiplicateur entre des dépenses engagées et l’effet sur le PIB. En 2013, ce coefficient était de 1,7 et pour ne pas être trop optimistes nous avons retenu un coefficient de 1. Les recettes induites sont de 45% ce qui représente 9milliards. Donc très au dessus des 3,6 milliards…
Nous sommes très réalistes car les recettes viennent parfois plus tardivement et il peut être judicieux de se laisser des marges de manœuvre sur le niveau d’emprunt à mobiliser…
Un des levier de notre action s’inscrit dans la perspective de la réforme fiscale et de la fusion de l’Impôt sur les revenus (IR) et de la CSG, en dégageant très rapidement du pouvoir d’achat pour les revenus inférieurs au revenu médian. C’est le premier étage de la progressivité de la CSG.
Il serait instituée une exonération ou un taux réduit (3,8%) pour les 30% de foyers fiscaux les plus défavorisés, c’est-à-dire déclarant moins de 1 100 euros par mois environ (niveau du SMIC net et du seuil d’imposition à l’IR pour une part, en pratique), une baisse de 2 points (à 5,5%) de 1 100€/mois jusqu’à un niveau supérieur de plus de 20% du revenu médian et la maintien du taux actuel pour la moitié les plus riches. D’où les 3 Milliards d’Euros.
Une réforme a recette constante pénaliserait les couches moyennes qui sont comme un grand nombre de ménages pénalisés par l’absence de réforme fiscale d’ensemble. Depuis 2 ans nous avons augmenté les prélèvements des ménages de 20 Milliards d’euros et allégé ceux des entreprises de 18 milliards.
La conjonction de la baisse du prix pétrole et de la baisse de l’Euro est une bonne nouvelle à condition de stopper une politique anti-croissance exigée par la commission européenne.