Demain, le Président de la République française, Emmanuel Macron, et la Chancelière allemande, Angela Merkel, signeront à Aix-la-Chapelle un projet de traité bilatéral qui va bien plus loin que la réaffirmation de l’amitié franco-allemande affichée lors du traité de l’Élysée en 1963 dont le 56ème anniversaire sert de prétexte symbolique.
Derrière ce projet de traité se cache en réalité la volonté d’engager la France dans des voies dangereuses sans que le peuple français n’ait réellement pu en décider. Derrières des phrases parfois apparemment anodines se cache des orientations et des politiques qui auront de graves répercussions.
1- Rien n’est formulé clairement en matière de lutte contre les dumpings sociaux et fiscaux, ni pour rééquilibrer la balance commerciale que l’Allemagne a très largement amélioré sur le dos de ses partenaires. Nulle référence non plus à l’indispensable réorientation des politiques européennes pour plus de justice sociale, fiscale, plus de solidarité, plus de souveraineté populaire ; il n’est évidemment pas question de sortir du diktat de la « concurrence libre et non faussée ».
Au contraire, l’article 1 dispose « Ils s’efforcent de mener à bien l’achèvement du Marché unique et s’emploient à bâtir une Union compétitive (…) promouvant la convergence économique, fiscale et sociale » (art.1). C’est l’éternel retour de vœux pieux jamais suivi d’effet, comme le montrent le blocage allemand sur la taxation des GAFAM par crainte de rétorsions américaines contre son industrie automobile. Ce traité marque une absence totale de réflexion sur les dysfonctionnements de l’Union européenne, sur les divergences structurelles des économies françaises et allemandes, dans une relation politique et industrielle devenue profondément déséquilibrée au profit de l’Allemagne. Il consolide finalement le mouvement actuel. Ce n’est pas acceptable.
2- L’article 8 du projet de traité indique que l’attribution d’un siège permanent pour l’Allemagne au Conseil de sécurité de l’ONU deviendra une priorité de la diplomatie française. C’est une attitude extrêmement dangereuse : on sait qu’il n’existe pas de possibilité pour créer de nouveaux sièges permanents, de surcroît au profit l’Allemagne ; en conséquence, très vite, on nous suggérera de partager notre siège permanent entre la France et l’Allemagne, puis de l’octroyer in fine à l’Union européenne. Cette décisions affaiblirait gravement la place et le rôle de la France dans le monde ; elle ne saurait être la priorité de la diplomatie française qui doit d’abord mener une action indépendante au regard de nos nombreux désaccords stratégiques avec l’Allemagne.
3- Les articles consacrés à la création d’euro-districts semblent, sur bien des points, remettre en cause l’unité de la République. Si des coopérations transfrontalières sont bienvenues elle doivent s’inscrire dans le respect scrupuleux de l’égalité des droits et l’unité de l’organisation de la République dans notre pays.
4- Si la bonne qualité des relations franco-allemandes peut être un atout, affirmer une intégration prioritaire entre nos deux pays prive la France d’un rôle charnière entre le nord et le sud de l’Union européenne ; cela modifierait la nature même de la construction européenne que nous souhaitons, c’est-à-dire une union solidaire et équilibrée où nul pays n’impose une forme de suprématie.
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L’élaboration de ce projet de traité s’est déroulée dans la plus grande opacité ; alors que le Parlement français avait tenu à y être associé, son texte n’a toujours pas été officiellement adressé aux parlementaires [Le site de l’Elysée induit en erreur le visiteur car il indique que l’article sur le traité a été publié le 8 janvier ; or ce traité n’a été mis en ligne sur cette même page que vendredi 18 janvier]. Le Parlement ne pourra plus désormais y apporter sa réflexion, malgré les nombreuses questions et dispositions inopportunes portées par ce projet de traité, puisqu’il ne pourra plus qu’y répondre par la ratification ou le rejet. Sa ratification est aujourd’hui envisagée par un projet de loi ordinaire, donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale dont on connaît l’intense esprit critique à l’égard de l’exécutif.
Il n’est plus possible de ratifier à la légère de tels traités sans associer réellement le parlement et les citoyens français. Emmanuel Macron a une nouvelle fois fait preuve d’un mépris délétère dans la conduite de ce dossier, dont les considérants sont particulièrement sensibles.
C’est pourquoi Marie-Noëlle Lienemann demande que le peuple français ait le dernier mot et que la ratification du traité d’Aix-la-Chapelle soit soumise à référendum.
[Le texte du traité n’est disponible sur le site de la Présidence de la République que depuis le jeudi 17 janvier 2019 : vous pouvez désormais le consulter le ici]