Hélas, notre pays connait une nouvelle vague de désindustrialisation ! On voit là, les limites prévisibles – et que je n’ai cessé de dénoncer- des fanfaronnades d’Emmanuel Macron avec plus souvent des évènements de communication que des actions en profondeur et qu’une organisation systématique, pérenne, de la puissance publique pour accompagner et initier la défense de nos capacités productives, le soutien aux indispensables mutations et développer de nouvelles industries. Certes le pays doit faire face à une conjoncture négative mais nous payons aussi l’absence de stratégie de réindustrialisation solide, durable, globale et à une logique et des actions à la fois trop parcellaires et qui se trompent de cible.
On aurait grand tord de se contenter d’une critique, pourtant justifiée, des 7 années de Macron et des précédentes (même s’il faut tirer les leçons des échecs et des quelques réussites) et de rester fataliste comme si l’on ne pouvait rien faire et devait se résigner. Au contraire, il faut réagir, prendre des décisions structurelles et bien sûr aussi des dispositions immédiates pour colmater toutes les brèches qui vont s’ouvrir. En tout cas, il faut rompre avec le ronron existant, avec le lamento qui accompagne le laisser faire, très souvent par ailleurs complaisant avec la recherche sans vergogne d’un profit toujours accru et souvent indécent pour les actionnaires, la plupart du temps indifférents à l’intérêt et à l’avenir de la France.
Vite un vrai ministère de l’industrie et indépendant de la tutelle de Bercy.
Pour cela, il faut reconstituer très rapidement un véritable ministère de l’industrie avec des fonctionnaires motivés aux compétences industrielles et pas seulement financières comme c’est aujourd’hui le cas avec la tutelle de Bercy. Un ministère et pas seulement un ministre qui assure la continuité des interventions publiques, qui doit être présent sur les territoires, travailler avec les régions pour soutenir les PME, PMI, suivre l’évolution de la situation, mettre en place des plans de filières, assurer une veille des difficultés dès qu’on peut les prévoir ainsi qu’un vrai soutien aux initiatives émergeantes, mobiliser et adapter nos outils d’intervention à la diversité des besoins. Avec un volontarisme qui doit se traduire dans les actes : ne pas laisser fermer de sites industriels, en prévenant, facilitant les transformations si besoin, faciliter les nouvelles implantations et créations. Et cela suppose un travail constant, une présence constructive, l’arrêt de cette idéologie de l’impuissance que les libéraux ont instillé avec leur dogme du désengagement de l’Etat : la baisse des impôts et du « coût du travail » suffiraient à rendre notre pays « compétitif » ! et cela n’est jamais assez ! Alors qu’on le sait, beaucoup d’autres critères sont déterminants pour la vigueur des entreprises industrielles (modernisation de l’outil, qualité de la recherche, des infrastructures et services publiques, compétences et formation des salariés , coût de l’énergie, capacité d’adaptation, système de financement, marché intérieur etc .. )
Ces libéraux de droite et aussi parfois de gauche ont d’ailleurs théorisé cette orientation en supprimant un ministère et une administration de l’industrie et en se contentant d’une direction au sein du ministère de l’économie et des finances, consacrant ces abandons et la financiarisation acceptée au détriment de la souveraineté industrielle, de la création de richesses en France et de l’emploi.
Ce nouveau ministère devra agir avec les collectivités mais aussi tout le tissu productif du pays et les partenaires sociaux. La mobilisation doit être générale et toutes les énergies stimulées, avec compréhension mutuelle, sans volonté de tout diriger mais de tout faire réussir.
Au fond, à travers cette création nous pourrions aussi engager une véritable renaissance, une sorte de refondation de l’Etat qui à l’évidence s’impose dans bien des domaines, tant trop souvent l’état apparait bureaucratisé, peu efficace et les fonctionnaires, eux-mêmes, désespèrent de ne pas pouvoir mener à bien leurs missions ou de mettre en œuvre des actions qui ne leur apparaissent pas essentielles
Et immédiatement constitution d’une task force chargée de trouver des solutions pour le maintien des sites industriels menacés et faisant l’objet de projet de plans sociaux.
Autant l’absence d’un véritable ministère de l’Industrie constitue un handicap majeur dont nous payons un lourd tribut aujourd’hui, autant sa création ne saurait suffire.
De surcroit, le reconstituer avec les moyens humains et territorialisés nécessaire prendra un certain temps et d’ailleurs cela plaide pour commencer très vite.
Néanmoins dés à présent au regard de la prévision d’un très grand nombre de plans sociaux (pas tous dans l’industrie) il est urgent de constituer une task force exceptionnelle chargé d’examiner toutes les solutions envisageables pour maintenir tous les sites industriels menacés et le maximum d’emplois. Elle doit associer tous les partenaires mobilisables et bien sur les partenaires sociaux. Même si la menace est à bas bruit ( et peut être plus encore dans ce cas où il est plus facile de prévenir que guérir) , rien ne doit être négligé , en particulier les contrepropositions syndicales ou de salariés.
Il faut bien sûr une stratégie plus complète et quelques réponses indispensables très rapidement.
Il n’est pas facile de définir ici l’ensemble de la stratégie, mais je veux soutenir quelques propositions :
- Il faut faire baisser le prix de l’énergie car sa hausse importante récente constitue un ébranlement majeur pour notre tissu productif.
Bon nombre d’entreprises industrielles qui étaient viables auparavant sont gravement menacée aujourd’hui. Et d’ailleurs lorsqu’on discute avec ces chefs d’entreprise, ils estiment que le coût de l’électricité est un critère primordial de la compétitivité, souvent bien plus que le fameux « coût du travail » !
Il faut rouvrir le dossier européen dont le chef de l’Etat expliquait qu’il devrait permettre un prix de l’électricité conforme au prix de production en France. Or, il n’en est rien. Et si l’on attend la destruction des industries ne sera pas rattrapable. Il faut donc prendre des décisions françaises qui a comme l’Espagne et le Portugal s’écarter des règles du grand marché européen et de jouer aussi sur la fiscalité.
Continuons notre combat pour sortir du marché européen de l’industrie. Je le rappelle n’est pas une remise en cause de l’interconnexion des réseaux qui a toujours existé, mais devrait autoriser les Etats à fixer leur tarif.
- Des plans de filières avec l’ensemble des entreprises et des sous-traitants et des aides ciblées, des garanties de commandes publiques, des incitations et engagements réciproques. Et pourquoi ne pas renouer quelques programmes emblématiques très soutenus par l’Etat comme la production de petites voitures électrique à bon marché comme le suggère les syndicats! Il y a urgence à les mettre en œuvre au moins dans trois secteurs clés ; l’automobile et les médicaments ou l’industrie de défense. Au-delà, aucune filière ne doit être négligée. Car ce serait une grande erreur que de dépendre de seulement quelques domaines. La diversité de la réindustrialisation est indispensable pour reconstituer un réseau productif robuste et bénéficier des interactions génératrices d’innovation. Pour aussi assurer un bon maillage territorial. C’est un enjeu de souveraineté car dans un certain nombre de domaines, nous n’avons plus aucune fabrication en France. Le commissariat général au Plan en a donné plusieurs exemples, sans d’ailleurs que la moindre suite soit donnée à leur travaux. D’autant que certains secteurs font l’objet d’importants financements publics.
- un plan exceptionnel de sauvegarde et développement de l’industrie française Des dispositions renforcées (réglementaires et législatives) pour que les achats publics privilégient le « made in France ». Il y a d’abord les règles des marchés publics ou parfois la France surtranspose le droit européen mais il faut absolument pouvoir introduire un critère de proximité et de bilan carbone dans les appels d’offre. D’une manière plus générale la France doit faire valoir après de l’UE des clauses de sauvegarde pour la réindustrialisation ou d’ailleurs contre les délocalisations. N’oublions pas que si Michelin dénonce à juste titre la concurrence de la Chine, une partie des machines des entreprises fermées en France sont envoyées pour une production en Hongrie !!! dans l’Union européenne…
- De nouveaux financements et accès à du capital est déterminant.
Restaurer du capital public, force de frappe Emmanuel Macron a tout parié sur la recherche d’investissements étrangers en France. Le discours selon laquelle la France serait le premier pays pour ces investissements est trompeur, en particulier il prend en compte le nombre de projets et non pas les sommes investies. Il élude les fermetures d’usines faute d’accès à des financements français. La BPI (belle réalisation de la gauche) mais elle n’est pas suffisamment offensive et vient trop souvent en garantie des banques et insuffisamment comme acteur capable de prendre des « risques » pour soutenir l’activité.
Contrairement à ce que propose Gérald Darmanin et quelques comparses, il ne faut pas réduire la voilure du capital public. Au contraire. Il faut l’accroitre et sans doute le gérer de façon plus agile, avec des débats parlementaires annuels pour veiller à ce que les arbitrages soient bien fait pour la réindustrialisation, la production et non pour le seul rendement financier.
Il faut tout à la fois orienter l’épargne des Français vers ces objectifs et créer des fonds souverains nationaux et régionaux.
- Un fond de reprise et de développement coopératif.
On a vu dans l’actualité récente, que la reprise coopérative permettait de sauver des entreprises comme Duralex ou Bergères de France. Souvent, ces reprises sont délicates car il est long et difficile de mobiliser les financements disponibles. La création d’un fond dédié (maintes fois demandé par le monde coopératif) est vraiment indispensable.
Il faut sortir de la torpeur collective devant ce qui constitue un nouveau séisme de désindustrialisation. On subit les effets néfastes du néolibéralisme, des orientations de l’UE, de la mondialisation. Aussi sur le terrain politique, un peu partout dans le Monde, car la démocratie est forcément menacée lorsque les pouvoirs publics , les citoyens sont impuissants à faire prévaloir des orientations qu’ils choisissent, pour peser sur leur destin individuel et national, lorsque le progrès social et humain n’est plus au rendez-vous !