La stratégie libérale de la baisse du « coût » du travail et des dépenses publiques est économiquement inefficace et socialement dangereuse.
1- Ce n’est pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme sur l’impossibilité de réduire le chômage en suivant la marche forcée vers une prétendue réduction des déficits publics et les méthodes de «réformes » structurelles édictées par l’Union Européenne.
Ce qui n’a marché nulle part, et dont les conséquences sont terribles tant pour chacun des peuples que pour l’ensemble de l’Europe, ne doit en aucune façon être poursuivi.
C’est d’ailleurs ce que le PS n’a cessé de dire pendant des années et singulièrement lors des campagnes présidentielles et législatives de 2012 : nous ne sortirons pas de la crise sans une réorientation majeure et profonde de la construction européenne.
– Le vote du TSCG non renégocié, l’acceptation – fusse avec un délai de grâce- de la logique du pacte de stabilité, la réduction des déficits publics au moins affichés – plutôt qu’une stratégie de croissance effective en France et en Europe rendait plus qu’hypothétique la possibilité d’atteindre l’objectif que le président de la République avait fixé quant à l’inversion de la courbe du chômage.
– La création du CICE qui donnait raison à l’une des thématiques favorites de la droite à savoir l’indispensable baisse du « coût du travail », sans ciblage ni contreparties, la transposition législative de l’ANI et du « donnant-donnant » en guise de faux-semblant n’allaient en rien assurer le redressement industriel et économique du pays, mais bel et bien fragiliser les salariés et les chômeurs.
– La création des emplois d’avenir -pour intéressants et utiles qu’ils soient- ne pouvaient en aucune façon contrecarrer la dynamique de freinage de la croissance induit par les politiques macro-économiques poursuivies.
Hélas, les paroles, les promesses et la méthode Coué atteignent vite leurs limites pour se faire rattraper par le réel. Ces politiques sont un échec. Il faut en changer, maintenant.
2- L’échec était prévisible. C’est pourquoi dès février 2013, le courant « Maintenant la gauche » appelait à un tournant de la relance et quelques jours plus tard, publiait un plan de relance sociale et écologique pour la France et pour l’Europe.
« Aussi nous proposons un tournant de la relance fondé sur 3 piliers :
– La relance de la consommation populaire: des mesures immédiates pour une reprise à court terme,
– La relance par des investissements publics et des grands projets mobilisateurs soutenant la réindustrialisation, pour un redressement à moyen terme
Une réforme fiscale fondatrice, garante d’une croissance à long terme ;
Choisir cette voie constituerait évidemment un acte politique majeur en Europe.
Prendre le tournant de la relance, c’est lancer un mouvement qui permettra à l’Europe de ne plus être l’ « homme malade », regardé avec commisération par les autres continents, de la croissance mondiale.
Dans cette perspective, nous nous proposons d’examiner ici un plan de relance de 43 Md d’euros, dont seulement 28 Md d’euros financés sur fonds publics, qui constituerait le pendant du pacte pour la compétitivité adopté fin 2012.
3- Errare humanum est, perseverare diabolicum : plutôt que d’engager l’indispensable changement de cap que nous défendions avec de plus en plus de force et d’audience à gauche depuis l’université de Maintenant la Gauche à la rentrée 2013 et jusqu’à quelques jours avant les vœux, le président de la République a fait un choix totalement contraire.
Il a fait siennes les thèses libérales les plus classiques sur les politiques de l’offre, lancé le pacte de « responsabilité » inspiré par le Medef et l’a présenté comme un nouveau compromis social sans l’accord des syndicats.
De surcroit, le financement des 35 Milliards d’allègement de cotisations – et qu’il vaut mieux ne pas qualifier comme la droite de charges – n’est en rien assuré et l’annonce des 50 milliards de réduction de la dépense publique en 3 ans va constituer une véritable hémorragie qui inéluctablement dégradera la qualité de nos services publics, notre modèle social et pénalisera les collectivités locales. Cela va avoir un effet récessif grave sur la croissance et l’emploi en particulier dans les entreprises et pour les artisans très liés à la consommation intérieure et à l’investissement local.
Il est donc à craindre que la situation du chômage ne s’améliore pas en 2014 et que les fuites en avant verbales sur la volonté de s’attaquer au chômage ne convaincront pas. La seule stratégie développée réside manifestement dans l’attente d’une hypothétique croissance mondiale ou européenne et la bienveillante compréhension des marchés et agences de notation quant à la dette française au regard des « efforts faits » pour imposer aux français les fameuses « réformes structurelles » qu’ils refusent.
Et pour cause, ils ont bien raison de les refuser car, même le fameux sommet de Davos se met à verser des larmes de crocodiles sur l’explosion des inégalités dans tous les pays, au point qu’aux USA, 95% de la croissance retrouvée depuis 2009 a été captée par l’extrême minorité des 1% les plus riches quand les 90% des américains les moins riches se sont appauvris.
Laisser entre les mains d’une conjoncture mondiale incertaine le sort de notre pays est extrêmement dangereux et anxiogène. Nos concitoyens le ressentent à raison comme tel. C’est de surcroit voué à l’échec.
Car la seule chose qui vaille dans la période est de consolider l’économie réelle du pays, donc l’emploi, en prenant d’abord appui sur ce que nous maitrisons ou sur ce que l’on peut influer (la consommation intérieure, l’intervention publique, la mise en place de filière industrielle d’avenir, la défense et la mutation de notre industrie et des secteurs exportateurs). C’est ce qui sera de nature à redonner en premier lieu confiance aux français.
La seule chose qui vaille est de sortir notre peuple de la dépression du le fatalisme dans laquelle les libéraux de tous poils l’enfonce en promouvant des politiques non seulement contraires à l’intérêt du plus grand nombre mais aussi attaquant de front les valeurs auxquelles tiennent nos concitoyens (le modèle républicain, le modèle social issu du CNR, les grandes avancées portées par la gauche) et qui font la singularité et le rayonnement de la France dans le monde.
La seule chose qui vaille c’est de reprendre la voie de la réorientation de l’UE en tirant les leçons de l’échec absolu de la stratégie des petits pas, des compromis où auraient été négociées des contreparties dont personne ne voit in fine la couleur. Aussi faut-il assumer un rapport de force majeur sur les questions décisives :
– pour passer de la concurrence entre les peuples de l’UE à des convergences sociales
– pour une relance globale sur notre continent par une amélioration des salaires et une redistribution des revenus
– pour de grands programmes d’investissements publics portant un nouveau mode de développement
– pour une lutte concertée contre la fraude et la concurrence fiscale, l’échange automatique des informations entre les Etats
La seule chose qui vaille est, à défaut ou en attendant une réorientation de l’UE, d’oser s’affranchir de contraintes européennes paralysantes (suspension pacte de stabilité, refus du carcan actuel sur les aides publiques à l’industrie, restaurer agreement préalable des entreprises pour stopper le dumping social avec les travailleurs détachés).
4-Nous ne saurions jouer la politique du tout ou rien. Ni soumission à la 5eme République, ni protestation ravageuse.
Le tout, c’est l’attitude suiviste qu’insuffle la logique de la 5ème République dans le fonctionnement politique du pays. Le président a parlé, le gouvernement doit s’exécuter, le parlement s’aligner et le parti majoritaire commenter.
Même si les institutions poussent à ces dérives et si le président de la République croit pouvoir sans risques se couler dans ce moule (vote bloqué, 49-3, ordonnances), aucun pouvoir ne peut durablement tenir sans le soutien d’une large partie de l’opinion et tout au moins celui de la majorité sociale qu’il représente et qu’il a fait élire.
Ne soyons pas les complices silencieux d’une dilution de la gauche dans les pièges de la 5eme République : portons sans relâche le combat pour une république parlementaire.
Le rien, c’est estimer symétriquement qu’une fois le président de la République élu, le débat politique à gauche n’est plus possible et que les partis comme les citoyens ne peuvent plus influer sur les choix et la politique suivie. Il ne reste plus qu’à dénoncer la trahison de ceux qui gouvernent, de reporter à la fin du mandat présidentiel l’éventualité de porter une alternative tout en poussant à l’excès la division entre deux gauches qui deviendraient irréconciliables avec une conséquence bien connue : la défaite et la victoire de la droite quand ce n’est pas celle l’extrême droite. Le rien, c’est en fait la politique du pire.
Nous ne nous résignons pas à cet effet miroir qui nous entraîne dans des impasses.
Nous n’avons pas la certitude de réussir quant au changement de cap pour lequel nous militons et donc à répondre aux attentes des français relatives aux changements pour lesquels nous avons été élus.
Mais si nous ne menons pas ce combat pour le rassemblement de la gauche et pour une réorientation politique, avec à chaque étape des propositions concrètes capables de l’incarner, nous ne sommes que des spectateurs impuissants devant le scénario désespérant qui se déroule sous nos yeux. Cette posture n’est pas pour nous imaginable.
5- Le pacte de responsabilité est un mauvais choix.
– La focalisation du la baisse du coût du travail est une erreur
– Le compromis social annoncé n’est pas possible dans le cadre des annonces actuelles avec le calendrier tel qu’il est proposé : suppression de cotisations certaines et datées d’un côté, contreparties non identifiées et hypothétiques de l’autre. Pour nous ce n’est pas le Medef d’abord mais les syndicats d’abord.
– Les contreparties ne sauraient être vagues et fumeuses ; il faut du sonnant et trébuchant et clairement des sanctions (remboursement des avantages, possibles pénalités) en cas de non-respect. Le Medef est prompt à faire des annonces mirobolantes –un million d’emplois- avant d’obtenir des aides des pouvoirs publics pour mieux se défausser quand il s’agit de les concrétiser.
Le principe de la suppression des cotisations sociales de la branche famille ne peut répondre à cette double exigence de conditionnalité et de remboursement.
– La réduction brutale des dépenses publiques et sociales vont plomber la croissance et l’emploi. Le financement de la mesure (Plus de 30 Milliards d’Euros) par la dépense publique et la réduction de 50 Milliards sur 3 ans dans les budgets publics et la protection sociale sont plus qu’aléatoires Mais surtout ils sont économiquement (cela va fortement réduire la croissance déjà très faible) et socialement dangereuses (menace sur la protection sociale, sur la qualité des services publics, etc…) avec un effet très négatif sur l‘emploi.
– Lancé sans cohérence avec la réforme fiscale, il bloque une vision globale permettant de redistribuer les richesses entre riches et pauvres, entre capital et travail, entre rente et l’investissement, entre petites et grandes entreprises et de repenser des systèmes de recettes pérennes et suffisantes pour la sécu, les retraites et la politique familiale. Or c’est la seule façon de sortir de la logique libérale de la baisse généralisée des impôts et prélèvements, qui in fine profitent aux plus riches (cf. toutes les études actuelles sur le redoutable creusement des inégalités même dans les pays les plus développés) ou depuis quelques temps de la hausse de la fiscalité pour tous avec un accroissement de l’injustice fiscale (c.f hausse TVA et taxes indirectes).
6- Nos propositions pour l’emploi: Une autre politique est possible.
A- La croissance en priorité et non la réduction des déficits et de la dette publique qui viendra ensuite.
La croissance doit être sociale et écologique et porter un nouveau mode de développement, favoriser la relocalisation des productions répondant aux besoins des citoyens.
Il faut conjuguer une politique de la demande pour répondre à l’urgence sociale, valoriser les travailleurs et soutenir rapidement l’activité avec une politique de l’offre renforçant nos capacités exportatrices sur d’autres bases que la réduction du coût du travail et dont chacun sait que l’effet sera à moyen ou long terme.
Nous avons établi en Mars 2013 un plan chiffré de relance pour une croissance écologique et sociale qui est d’une totale actualité mobilisant 28 Milliards (http://www.mnlienemann.fr/2013/04/retrouvez-le-plan-de-relance-ecologique-et-social/). C’est moins que les 35 Milliards du pacte de responsabilité.
B- La politique industrielle doit être plus soutenue par une stratégie offensive (nouveaux secteurs, iconométrie, transition écologique, etc..) et une stratégie défensive (sauver les entreprises pour assurer leurs mutations et ne pas perdre des champs entiers de production).
Le pays et la puissance publique doivent y mettre des moyens considérables. Il faut réinventer une économie mixte qui allie autour de filières, de grands travaux, la puissance publique (Etat, collectivités locales), les grandes et petites entreprises, les centres de recherches etc. Il faut créer un MITI à la française sur la transition écologique, réinventer la planification qui n’est pas la prospective car il s’agit d’insuffler une volonté collective et de veiller au succès des objectifs décidés.
C- Les nationalisations, le capital public doivent être mobilisés pour ce redressement productif.
Plutôt que laisser croire qu’on pourrait céder aux exigences souvent antisociales (cf. demande d’abaisser les seuils pour représentation des travailleurs par exemple) des investisseurs étrangers, il vaudrait mieux rapidement orienter l’abondante épargne des français vers l’investissement industriel ou en faveur de la transition énergétique. La BPI est sous-dotée et un grand fond souverain pour du capital public est indispensable. Ne laissons pas des occasions manquées comme Florange ou Pétroplus se reproduire.
D- Une réforme fiscale et des prélèvements ambitieuse est plus que jamais urgente.
Il faut redistribuer et produire d’un seul et même mouvement et arrêter cette fable de la redistribution à posteriori. Restaurer une fiscalité progressive doit donner du pouvoir d’achat aux catégories populaires (ex: progressivité de la CSG et fusions avec IR par exemple) et une nouvelle base de calculs de la protection sociale (en partie sur la valeur ajoutée produite dans l’entreprise) comme la lutte contre « l’optimisation fiscale » doit assurer une meilleur répartition des contributions entre grandes entreprises et PME.
Celle le projet de réforme fiscale que nous avons établi (http://www.mnlienemann.fr/2013/12/presentation-de-nos-propositions-pour-une-reforme-fiscale-de-gauche-possible-et-necessaire/)
E- De nouveaux droits pour les travailleurs pour défendre l’emploi, l’activité en France et lutter contre les délocalisations.
Les meilleurs défenseurs de l’entreprise sont souvent ses salariés qui eux ont tout intérêt à la poursuite de l’activité et à son développement. Leur emploi en dépend et ils ne sont pas au contraire de certains actionnaires focalisés sur le cash à court terme. Ils sont souvent, et singulièrement les cadres et les représentants syndicaux, les premiers à voir comment s’organise une fermeture ou une délocalisation. Ils sont souvent les premiers à observer l’absence d’investissements d’avenir ou de recherche de diversification quand le marché se rétracte.
Il faut en revenir aux engagements pris pour :
– encadrer réellement les licenciements économiques, pour obliger à la recherche effective d’un repreneur avec l’intervention du tribunal de commerce garant de la cession lorsqu’une offre pertinente est refusée
– assurer la priorité à la reprise, en particulier sous forme de coopérative, par les salariés en cas d’offre comparables
– assurer dans la plupart des entreprises une vraie représentation des salariés au conseil d’administration ainsi que de développe un droit de véto du CE sur certaines politiques clefs de l’entreprise. Ce qui a été entrepris en la matière est souvent marginal, limité aux très grands groupes et ne répond pas à l’indispensable mutation de l’équilibre capital-travail.
F – La fiche de paye n’est pas l’ennemie de l’emploi.
Elle doit assurer aux travailleurs les moyens de vivre correctement de leur travail et ainsi soutenir l’économie intérieure. Car contrairement à la propagande distillée sur ce point c’est en moyenne 14 % seulement de la consommation des français fait appel à des importations et c’est encore moins vrai pour les plus modestes.
On pourra noter l’importance de l’importation d’énergie fossile dans notre balance commerciale qui légitime un grand plan de réduction de notre dépendance à ces dernières.
Il faut donc revaloriser le SMIC et engager des négociations sociales sur les grilles salariales car les inégalités au sein même des salariés se sont injustement accrues.
G- Il faut reposer la question de la réduction du temps de travail.
Même si nous plaidons en faveur d’une politique de croissance, nous ne retrouverons pas un niveau très élevé capable de restaurer le plein emploi dans notre pays sur le long terme sans engager une nouvelle étape de la réduction du temps de travail. Il faut regarder lucidement le dynamisme démographique de notre pays. Sans doute convient-il de la concevoir différemment de ce qui a été engagé jusqu’alors. Encore faut-il rappeler que c’est la mise en œuvre des 35H qui a permis de créer, en période de croissance plus d’emploi que tous nos voisins. Pour l’heure, il faudrait pour le moins revenir sur l’allongement de la durée de cotisation afin de restaurer non seulement un meilleur niveau de retraites mais aussi de garantir un droit réel de la retraite à 60 ans.
H-Les emplois d’avenir doivent être poursuivi.
Si les collectivités locales et les associations n’en recrutent pas davantage, ce n’est pas parce que l’activité manque mais parce que la réduction de dotations et des subventions ne leur permettent plus de financer les compléments.
I- Créer des emplois dans la fonction publique dans les secteurs prioritaires au-delà de l’Education nationale, revaloriser les salaires.
Lancer des Etats généraux de la fonction publique pour permettre aux fonctionnaires de s’exprimer sur leurs missions prioritaires, l’organisation de l’Etat, la revalorisation et la modernisation de leur métier.