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Austérité, règle d’or : pourquoi le Traité européen actuel nous conduit dans le mur
Par Marie-Noëlle Lienemann
Sénatrice PS de Paris, Ancien Ministre et ancienne vice-présidente du Parlement Européen
LE PLUS. 72% des Français veulent un référendum en vue de la ratification ou non du Traité européen sur la stabilité, la coopération et la gouvernance (TSCG). Ce texte, travaillé avec Angela Merkel, devra être voté par l’Assemblée nationale en septembre. C’est l’issue de ce scrutin qui décidera ou non de la ratification du traité. Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice (PS) de Paris et ancienne ministre demande que ce traité soit renégocié.
Édité par Henri Rouillier
François Hollande et Angela Merkel au Palais de l’Élysée à Paris le 27/06/2012 (CHESNOT/SIPA).
La ratification du nouveau traité européen ne saurait se faire en catimini sans qu’ait lieu un débat public sérieux au préalable. Les annonces de la rentrée – baisse de la croissance, hausse importante du chômage, lourde dégradation de la situation économique et sociale dans de très nombreux pays – montrent l’urgence de stopper la logique austéritaire actuelle et de réorienter réellement la construction européenne.
François Hollande a eu raison de s’engager à renégocier le traité rédigé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, indiquant qu’il voulait le modifier et le compléter. Le sommet européen des 28 et 29 juin a certes retenu un « pacte de croissance » et la promesse d’une création de taxe ultérieure sur les transactions financières par 11 pays de l’Union, mais il a confirmé le maintien stricto-sensu du traité budgétaire. Tel n’est pas ce qui avait été annoncé à nos concitoyens.
Le « pacte de croissance » va dans le bon sens, mais il est trop modeste. Avec 120 milliards étalés sur 5 ans, dont en réalité 30 milliards réellement disponibles, il ne représente que 1% du PIB de l’Union Européenne. Très loin du plan de relance d’Obama aux USA par exemple (7% du PIB), il ne sera pas en mesure de contrer la logique anti-croissance du traité budgétaire.
On nous propose donc une alouette de croissance et un cheval d’austérité.
Pourquoi le Traité n’est pas acceptable en l’état
Le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ndlr) installe une austérité durable, bride la croissance et prive les peuples des choix sur le cadre budgétaire et macro-économique. Il impose de fait la règle d’or et le durcissement du pacte de stabilité (le déficit structurel des Etats devant désormais être inférieur à 0,5% de leur PIB contre 3% auparavant), rendant impossible toute relance budgétaire contracyclique.
Mesurons bien qu’il ne s’agit pas seulement d’un accord temporaire, qu’on pourrait au demeurant contester, pour redresser la situation. C’est là le plus redoutable. Il s’agit d’un carcan permanent figé dans un traité, qu’il est extrêmement difficile de modifier une fois celui-ci ratifié. Il s’agit de poursuivre, en pire, le chemin qui a déjà conduit à la situation actuelle, à l’instant précis où il est urgent d’en changer.
Ce traité met en place un système de sanctions automatiques, organise une perte de l’autonomie budgétaire des Etats et fait peser de lourdes menaces sur nos régimes sociaux. La Commission Européenne pourra, avant ou pendant que les Parlements nationaux examinent leurs projets de lois de finances, demander les inflexions lui paraissant nécessaires pour limiter les déficits. Les gouvernements seront obligés d’instaurer sur la base des principes agréés par ladite commission un mécanisme de correction automatique en cas de dépassement. S’installe ainsi la généralisation progressive des programmes « d’assainissement » comparables aux mémorandums actuels pour la Grèce et l’Espagne. On sait désormais qu’ils provoquent une spirale de baisse de la croissance et de creusements des déficits, sans compter les drames sociaux et la chute de la production qu’ils engendrent.
Ce traité nous conduit dans le mur.
Il n’apporte en réalité aucune solution à la crise de l’Euro, ne change rien aux missions de la BCE et ne prévoit pas les euro-bounds. Pourtant, il faudrait que la BCE puisse prêter directement aux Etats et avec des taux d’intérêt réalistes, qui ne creusent pas davantage les déficits des pays. Il faut cesser cette mécanique où la BCE prête de l’argent aux banques qui prêtent aux Etats, faisant au passage de substantiels bénéfices, coûtant cher aux budgets des pays et permettant à ces dernières de spéculer sur les dettes. Le rachat de dettes souveraines par la Banque centrale européenne stopperait la spéculation et permettrait de redéfinir sérieusement une politique d’avenir. Le refus de Mme Merkel, de plus en plus insupportable pour tous.
Le Traité doit être renégocié immédiatement
La prise de conscience des dangers de la politique de la chancelière allemande est chaque jour plus largement partagée par les autres européens, ce qui permet d’espérer une renégociation autant possible que souhaitable.
Il faut donc refuser de ratifier le traité pour ouvrir une réelle renégociation. Celle-ci doit, à coup sûr, modifier les objectifs de la BCE (la croissance devant y être ajoutée) et ses modes d’interventions. Elle doit aussi substituer à la règle d’or et aux sanctions automatiques la création d’un conseil macro-économique de l’Euro qui, tous les 3 ou 5 ans, fixerait le cadre des déficits à ne pas dépasser par Etat. Cadre qui devrait tenir compte de la situation mondiale, du soutien nécessaire à la croissance et des efforts à mettre en place en en répartissant la charge et fixant à chacun des objectifs atteignables. Les parlements nationaux seraient consultés et voteraient une loi pluriannuelle de mise en œuvre. C’est l’idée du « gouvernement économique » : tout le contraire de la règle dogmatique aveugle.
Mais d’autres enjeux ne peuvent plus être reportés aux calendes grecques, comme l’instauration de convergences sociales progressives, de règles communes anti-dumping social, d’une harmonisation fiscale et d’une véritable lutte contre l’évasion fiscale. C’est aussi le cas de la nécessité de politiques industrielles communes. Plus globalement, il est temps que les principes de coopération européenne, de juste échange, de lutte contre les inégalités se substituent à la concurrence libre et non faussée.
Telle doit être la mission historique de la France et de la gauche française : afficher clairement auprès de ses partenaires et des opinions publiques européennes une voie nouvelle.
Sans comparaison excessive, je crois qu’à vouloir différer l’obligation d’un nouveau compromis d’envergure avec l’Allemagne, en acceptant des décisions absurdes et dangereuses, qui plus est intenables pour ne pas froisser nos alliés, nous prenons un risque plus lourd de crise majeure et de repli national. On a connu ces « soulagements », où l’on signait des accords qui ne faisaient que différer l’échéance, qui devenait elle pourtant fatale. Alors, refusons aujourd’hui le TSCG et renégocions.